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Histoire et édition - Publication du livre "Les Frères marianistes et l'école d'agriculture (1823-1903)"

Article publié le 22/02/20.

J'ai le plaisir aujourd'hui de vous annoncer la sortie de l'ouvrage sur le passé marianiste du château de Saint-Rémy, tome 2 des "Histoire de Saint-Rémy". Une ballade contée aura lieu samedi 29 février pour l'occasion par l'auteure de la préface de l'ouvrage, Zarina KHAN (nominée au Prix Nobel de la Paix en 2005 et Prix Seligmann il y a 2 ans).

Affiche pour la sortie du livre « Les Frères marianistes et l'école d'agriculture (1823-1903) »

Plusieurs années se sont écoulées entre les premières recherches et la publication de cet ouvrage mais le plaisir est intact et j'espère le partager maintenant avec beaucoup d'entre vous. "Les Frères marianistes et l'école d'agriculture (1823-1903)" vous invite à (re)découvrir l'histoire d'un château et celle du monde agricole réunies par hasard dans ce petit coin de Haute-Saône qu'est Saint-Rémy. À l'occasion de la sortie de ce deuxième tome, le premier tome de la série est quant à lui réédité dans une version augmentée. C'est que les recherches ont continué après mon départ et quelques nouvelles anecdotes sont venues compléter mes propos. Retrouvez-moi à Saint-Rémy ce samedi 29 février (réservation vivement conseillée) pour échanger sur les deux ouvrages.


Histoire et généalogie - Lecture du livre d'Alain Corbin : "Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot"

Article publié le 10/05/2019.

Plongée dans mes recherches généalogiques, je me suis demandé où pourraient me mener toutes ces données collectées sur mes ancêtres… Ils sont laboureurs, lingères, soldats… petites gens de ma région natale ou d’ailleurs. Bien sûr, il y a le simple plaisir d’en savoir plus. Il y a aussi le bonheur de nager en plein dans la « petite histoire », celle inconnue de milliers de personnes. Mais cette « petite histoire » qui justement me passionne peut être terriblement difficile à écrire. Quand chacun apparait dans toute sa singularité, comment écrire un récit qui touche le plus grand nombre ? Vais-je seulement réussir à faire revivre quelques personnes dans toute leur singularité ? Suis-je en train de retracer une histoire qui n’intéressera que moi et quelques proches ?

Couverture du livre « Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot »

Un registre d’état civil pour point de départ

Curieuse, j’ai creusé un peu pour voir quels ouvrages la généalogie avait fait naître. Je suis tombée très rapidement sur Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot d’Alain Corbin (Flammarion, 1998). Le sous-titre a suffi à me décider : Sur les traces d’un inconnu (1798-1876). S’éloignant de l’histoire sociale et de la microhistoire, Alain Corbin y retrace l’histoire d’un parfait inconnu, choisi au hasard dans un registre d’état civil. Voici les premières phrases du livre « Louis-François Pinagot a existé. L’état civil en témoigne. Il est né le 2 messidor an VI (20 juin 1798) "sur les trois heures du soir". Il est mort à son domicile le 31 janvier 1876. Puis il a sombré dans un oubli total. » On apprend assez vite que Louis-François Pinagot était sabotier et vivait près de la forêt. Quelques personnes de son entourage familial, quelques voisins sont présentés. Mais de traces directes de sa part, il n’en reste qu’une : une croix tracée au bas d’une pétition.

Du possible au probable

L’historien poursuit un peu plus loin : « Ma tâche, ensuite, consistait à s’appuyer sur des données certaines, vérifiables ; à enchâsser en quelque sorte la trace minuscule et à décrire tout ce qui a gravité, à coup sûr, autour de l’individu choisi ; puis à fournir au lecteur des éléments qui lui permettent de recréer le possible et le probable […] ». Il s’agit pour étoffer le récit de se tourner vers l’histoire et les archives du village (Origny-le-Butin) ou de la région (l’Orne, le Perche). Histoire sociale, histoire économique, histoire politique, les domaines se croisent pour brosser un tableau aussi complet que possible. L’histoire nationale est évoquée aussi, avec un détail à ne pas oublier : « L’existence de [Louis-François Pinagot] s’étire parallèlement à celle des grands romantiques français. Il est contemporain de Lamartine, de Hugo, de Vigny, de Michelet, de Berlioz… Mais ce synchronisme resta, sans doute, ignoré de lui. » Dès lors, les conclusions de l’historien restent dans le possible mais elles s’éloignent peu à peu du probable… et de l’individu qui était son objet d’étude.

Imaginons l’histoire

Quant aux sentiments, aux « qualités morales » de Louis-François Pinagot, Alain Corbin les exclut dès le prélude. « Quelle était son ardeur au travail ? Quelle était l’intensité de sa sensualité et de son désir des femmes ? Quel était son système de représentations du monde et de l’au-delà ? Nous n’en saurons jamais tant de lui que nous en savons du meunier Menocchio ou de Pierre Rivière. » La biographie de l’inconnu est-elle impossible ? Certainement. Ce sont là les limites de l’expérience. Tout au plus, pourra-t-on imaginer la réponses à ces questions. On ? L’historien s’efface à présent et laisse place au lecteur, à moi, à vous.

Flânant à la librairie il y a quelques semaines, je tombais sur une autre pépite, qui vient tout juste de ressortir en poche : « Le plancher de Joachim. L'histoire retrouvée d'un village français » de Jacques-Olivier Boudon (Belin, 2019). Je n’ai pas encore fini ma lecture mais déjà il est tentant de comparer Louis-François Pinagot et Joachim Martin. Ils sont tous deux artisans. Le premier était sabotier dans l’Orne, le second menuisier dans les Hautes-Alpes. L’un est né en 1798, l’autre en 1842. Mais si l’on parle témoignage historique, tout les oppose. Si le premier était particulièrement silencieux, le deuxième au contraire prit le soin d’écrire quelques-unes de ses pensées sur des morceaux de bois qu’il dissimulait sous les planchers qu’il posait, dans l’intention déclarée d’être lu après sa mort, véritable trésor pour l’historien.


Couverture du livre « Le plancher de Joachim »

Nouvelle année, nouveaux projets

Article publié le 09/01/2019.

2018 a été une année un peu spéciale, comme une parenthèse pour ma petite entreprise suite à la reprise d'un emploi salarié dans une imprimerie spécialisée dans le braille et l'édition tactile. Mais tout cela manque cruellement d'histoire et je suis bien décidée à changer la donne pour 2019. Rien ne va partir tout à fait de zéro. Je veux surtout concrétiser des idées, des recherches, des envies que j'ai formulées il y a longtemps et puis laissées dans un coin faute de temps ou d'objectifs précis.

3 projets pour 2019

Tout d'abord des recherches généalogiques sur la branche paternelle de ma famille. Initiées l'an passé avec ma tata, je vais m'y replonger cette année. Non sans avoir au préalable organisé un peu tout ça. Premier objectif : voir clair dans toutes les informations qui s'accumulent à vitesse grand V quand on plonge dans les archives. Deuxième objectif : un livre peut-être. Ce serait super top. Mais je voudrais plus d'histoire que de généalogie alors il va d'abord falloir trouver un sujet. À suivre !

Début de nos recherches généalogiques en famille

Deuxième projet : un enregistrement audio de mon livre "Une Épopée contemporaine en psychiatrie" . Je ne sais pas encore dans quel cadre, peut-être avec l'aide d'une association, sinon toute seule. Encore une fois... à suivre !

Le premier enregistrement est disponible : Quatrième de couverture à télécharger (MP3)

Couverture du livre « Une épopée contemporaine en psychiatrie »

Enfin, de nouveaux articles pour mon site internet. Le site a fait peau neuve en 2018 grâce au talent de l'Agence Ïdo, il me reste à le faire vivre. J'y parlerai d'histoire, d'accessibilité et encore d'histoire.

Une bonne nouvelle pour commencer l'année

Un beau souvenir de 2018 est de nouveau d'actualité : ma médaille d'or au concours de la SFHH. Le numéro de leur revue consacré au concours sortira très bientôt. Ce fut une belle reconnaissance pour l'ouvrage "Une épopée contemporaine en psychiatrie. L'Hôpital de Saint-Rémy de 1937 à nos jours". De bons moments à chercher, à échanger, à écrire. J'espère très vite relancer un projet aussi beau.



Puisse 2019 m'apporter cette chance

et beaucoup de bonheur pour tous !



Médaille d'or au concours de la SFHH

Extrait de l'article de candidature au concours de la SFHH

Article publié le 11/02/2018.

[Résultats attendus au printemps 2018.]

« Une épopée contemporaine en psychiatrie.

L’Hôpital de Saint-Rémy de 1937 à nos jours »

De Noëllie Aulas

Pour l’Association Hospitalière de Bourgogne-Franche-Comté

Au cœur de la psychiatrie du siècle dernier…

Pour écrire ce livre, Noëllie AULAS a dû se plonger dans des tonnes d’archives, récolter de nombreux témoignages et finalement compiler le tout pour donner naissance à ce nouveau récit.

Avant de parler plus précisément du travail de Noëllie AULAS, il convient de revenir aux sources et de bien comprendre ce qu’est l’Association Hospitalière de Bourgogne Franche-Comté (AHBFC). Elle s’est construite autour de trois bassins : Saint-Rémy/Clairefontaine, le quartier Pierre Engel à Bavilliers (Belfort) et le quartier du Mittan à Montbéliard. C’est à Saint-Rémy/Clairefontaine que l’aventure psychiatrique haut-saônoise a commencé en 1937. Un médecin, une trentaine de sœurs hospitalières espagnoles et une cinquantaine de filles de salle y prenaient soin en janvier 1938 de quelque 1300 patients. Aujourd’hui, les choses ont bien changé : On compte cent-vingt médecins au service de l’hôpital pour un total de 2100 salariés (soins, logistique, administration…). Le nombre de lits et places en psychiatrie est tombé à 733, avec une file active de quelque 14 500 patients.

Comment expliquer cette évolution ?

Comment est-on passé de « l’asile de Saint-Rémy » au « Centre Hospitalier Spécialisé de Saint-Rémy & Nord Franche-Comté » ? Comment un établissement privé mis en place pour désengorger les asiles surpeuplés de la Seine est devenu en peu de temps un opérateur régional en psychiatrie et santé mentale de renom ? Comment, hier comme aujourd’hui, compose-t-on avec le sujet délicat de la psychiatrie ? Pourquoi ces religieuses que l’on a longtemps aperçues à Saint-Rémy ? Autant de questions auxquelles Noëllie AULAS a voulu répondre au travers de son ouvrage.
[...]

« Étonnée, émue ou amusée »

Le gros des recherches étant passé, la rédaction a alors débuté. Noëllie AULAS a choisi de garder les documents qui illustraient le plus clairement la situation, mais pas seulement : « J’ai voulu restituer des anecdotes qui m’ont étonnée, émue ou amusée. La période de la Seconde Guerre mondiale avec la faim, le froid, mais aussi l’école pour les petits, les cadeaux de Noël et les quelques lettres privées qui sont restées dans les dossiers sont riches d’enseignements. Comme cette lettre d’un soldat qui demande des nouvelles d’une infirmière. Il l’avait rencontrée lors de son passage par Saint-Rémy, mais leur correspondance s’est interrompue lorsqu’il a été fait prisonnier de guerre. »
[...]

Je remercie sincèrement tous ceux qui ont rendu cette publication possible. Sorti le 30 juin 2017, le livre est disponible à la vente auprès de l’AHBFC.

Couverture du livre « Une épopée contemporaine en psychiatrie »
Entrée de l’hôpital dans les années 1950 (photographe non identifié)
Château de Saint-Rémy abritant le siège de l’Association Hospitalière de Bourgogne FrancheComté.
Escalier d’honneur du château de Saint-Rémy

Compte rendu de colloque : « Le braille, quel avenir ? »

Article publié le 17/11/2017.

1917-2017 – LE LIVRE DE L’AVEUGLE A 100 ANS !

« Le braille, quel avenir ? »

Colloque du vendredi 17 novembre 2017 à 14h
Institut national des jeunes aveugles
56, bd des Invalides – 75007 Paris

« Le braille quel avenir ? » tel est le thème du colloque choisi par le Livre de l’aveugle pour se tourner résolument vers les 100 ans à venir.

Ce qui m’a d’abord frappée lors de ce colloque, c’est l’écart (trop grand ?), entre certains professionnels accompagnants et les braillistes eux-mêmes. Tout d’abord le braille a souvent été résumé à sa version papier, laissant de côté le braille numérique, promis à un avenir certain. Par ailleurs, le braille a souvent été défini comme irremplaçable, notamment pour les mathématiques, exemple que je vais reprendre ici. Si le braille est utile pour toutes les raisons vues ci-dessus, il faut tout de même prendre le temps de constater les progrès des outils numériques dans ce domaine en particulier. Des logiciels (Mathtype, Mathplayer), des langages (Latex, MathML) permettent aujourd’hui une meilleure accessibilité des documents mathématiques au format numérique. Ces logiciels sont tout particulièrement importants pour les non-braillistes, quelle que soit la raison pour laquelle ils n’utilisent pas le braille. Bien sûr ils n’empêchent pas d’apprendre le braille voire même il y aide, indirectement, en facilitant la transcription des documents. Cette complémentarité des outils a été je pense trop mise de côté par les professionnels alors que les utilisateurs présents étaient quant à eux bien plus conscients de cet apport et en usaient volontiers au quotidien, jonglant entre le braille papier, le braille numérique et l’audio, selon leurs besoins.

Un deuxième point a été peu abordé : la production du braille, par des bénévoles pour le Livre de l’Aveugle, depuis sa transcription jusqu’à la livraison d’un produit fini. Je ne veux pas ici m’étendre sur le travail à proprement parlé mais plutôt sur l’impact que cela a sur la diffusion du braille. Le témoignage de Jacques Sémelin a brièvement évoqué le souci : apprendre le braille, certes, mais pour lire quoi ? Les archives qu’il rencontrait dans ses recherches n’étaient bien sûr jamais en braille. De nombreux outils existent pour faciliter la production de documents adaptés (fichiers PDF mis à disposition par les éditeurs, logiciels dédiés, embosseuses et plages braille toujours plus performantes), pour autant la production du braille reste longue, coûteuse et pour le papier, encombrante.

Enfin, je pense qu’il faut retenir malgré tout le rôle très important joué par le braille dans la lecture. Je ne suis moi-même pas une adepte des livres audio car ils sont pour moi un frein à l’imagination, en donnant au texte le ton que le lecteur choisi, voire celui que l’auteur a choisi (n’est-ce pas pire ?). Pourtant il y a peu j’ai eu le plaisir d’être côté coulisse et de moi-même enregistré un livre audio et il m’a paru évident que je ne pouvais pas être neutre. Je lisais un livre trop émouvant pour cacher l’émotion dans ma voix. Cette émotion était-elle de trop ? Je le pense. La meilleure alternative reste pour moi la lecture par les mots écrits, qu’ils soient en noir ou en braille, sur papier ou numériques, gardant pour ma part une préférence pour le papier.

Je conclurai ce compte-rendu avec deux auteurs. Le premier, Carlos Ruiz Zafón, a imaginé un cimetière des livres oubliés, où se nouent et se dénouent les intrigues de plusieurs de ses romans. Il parle ici du livre lui-même, ces quelques pages de papier ô combien vivantes. Le second, Jean-Christophe Rufin, nous a fait l’honneur de conclure le colloque. Écrivain peintre comme il le dit lui-même, il fait volontiers voyager son lecteur au bout du monde, dans des paysages aux mille couleurs.

« Cada libro, cada tomo que ves, tiene alma. El alma de quién lo escribió, y el alma de quiénes lo leyeron y vivieron y soñaron con él. Cada vez que un libro cambia de manos, cada vez que alguien desliza la mirada por sus páginas, su espíritu crece y se hace fuerte. »

« Chaque livre, chaque volume que tu vois, a une âme. L’âme de celui qui l’a écrit, et l’âme de ceux qui l’ont lu, ont vécu et rêvé avec lui. À chaque fois qu’un livre change de mains, chaque fois que quelqu’un pose son regard sur ses pages, son esprit grandit et il devient plus fort. »

La Sombra del Viento / L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón.

« La lecture est une liberté »

Jean-Christophe Rufin, Colloque « 1917-2017 – Le Livre de l’aveugle a 100 ans ! »

Téléchargez le compte-rendu complet

La transcription et ses outils

Article publié le 11/12/2016.

Dans les lignes qui suivent je vais vous donner quelques informations sur la transcription et l’adaptation en braille, reliefs, caractères agrandis et dessins contrastés. Plus particulièrement, je vais mettre l’accent sur les outils des transcripteurs, en tout cas ceux que j’utilise pour mes propres travaux.

Mais d’abord quelques explications. Transcrire un document, c’est le recopier pour qu’il devienne compréhensible par quelqu’un qui ne maîtrise pas le format d’origine. Ce n’est pas une traduction d’une langue vers une autre mais l’utilisation de signes différents pour dire exactement la même chose. Dans le cas qui nous intéresse ici, il s’agit de rendre des documents accessibles aux personnes déficientes visuelles qu’elles soient aveugles ou malvoyantes. Comme le handicap peut être très différent d’une personne à l’autre, les transcriptions peuvent aussi être multiples. Il n’existe à ce jour aucun moyen de transcription 100% automatique qui permette d’éditer un document à la fois en noir (c’est-à-dire le format imprimé classique), en braille et en caractères agrandis. De même les images ne peuvent pas être adaptées de manière 100% automatique en relief ou avec des contrastes plus forts. Pour autant, les transcripteurs disposent de nombreux outils. Voici ceux que j’utilise.

Transcrire un texte

Un logiciel de traitement de texte comme Word mais aussi Open Office permet de transcrire un document en caractères agrandis ou en braille. Dans le premier cas, c’est très simple. Il est possible de régler la taille de police mais aussi l’espacement entre les lignes ou entre les caractères par exemple. Une bonne utilisation des styles et notamment des niveaux de titres peut même permettre de créer un seul document pour décliner ensuite plusieurs adaptations.

Pour le braille, c’est un peu plus compliqué car il faut savoir à quel caractère braille correspondent les touches du clavier Azerty, notamment pour les lettres accentuées et la ponctuation ou encore pour les caractères spécifiques au braille. Je l’utilise donc très peu pour transcrire directement. D’autant plus que le braille fourni par un traitement de texte ne peut pas être embossé. Il doit en effet être imprimé et mis en relief par des procédés tels que le thermogonflage ou le gaufrage, deux techniques qui ne sont pas utilisées pour des documents de plusieurs centaines de pages comme j’ai le plus souvent. Par contre, je passe par un traitement de texte pour travailler les textes avant de les copier/coller dans le logiciel de transcription braille. À noter aussi que DBT dont je vais parler ensuite intègre la possibilité de créer une police braille personnalisée pour les traitements de texte.

Autre logiciel que j’utilise beaucoup pour le texte : un lecteur PDF. La raison est simple : c’est le format sous lequel je reçois mes documents. Ce format n’est pas toujours parfait mais il permet d’accéder au texte par un copié/collé (quand le texte n’est pas une image, ce qui arrive souvent hélas). Le plus gros problème que j’ai avec les différents lecteurs essayés, ce sont les retours à la ligne intempestifs qui viennent couper le texte parfois n’importe où. Parfois aussi l’ordre des éléments n’est pas respecté et certains caractères ne sont pas reconnus. Pour autant, couplé avec un traitement de texte, un lecteur PDF permet de récupérer un texte propre sans trop d’efforts.

Captures d'écran du logiciel DBT. Exemple de transcription.

Pour le braille, intervient ensuite le seul logiciel de transcription braille que j’ai testé : DBT (Duxbury Braille Translator). Il est payant mais il existe des logiciels gratuits que je testerai certainement un jour. En ce qui concerne celui-ci en tout cas, il fonctionne pour toutes les adaptations braille. Il est très complet et permet à la fois de transcrire des documents mis en page au préalable dans un traitement de texte ou alors de mettre en page les documents dans le logiciel voire de saisir directement en braille. Je préfère la deuxième option mais les trois fonctionnent aussi bien. La mise en page dans DBT se fait avec des balises, à la manière du langage internet que certains connaissent certainement. Niveaux de titre, mise en valeur, caractères spéciaux, mise en forme spécifique comme pour un poème ou un tableau par exemple… tout est compris dedans. Si je passe par un traitement de texte pour travailler mon texte avant c’est parce que l’affichage DBT n’est pas très confortable (le texte est très serré et même avec une taille de police plus grande, ce n’est pas évident pour moi). DBT ne permet pas non plus l’utilisation de couleur ou de mise en forme visuelle pour se repérer dans le texte en cours de transcription donc je dégrossis au maximum avant. Je supprime les sauts de ligne intempestifs, je remets tout en ordre, j’en profite aussi pour vérifier l’orthographe, réorganiser les tableaux au besoin, etc… Une fois que tout est en place, DBT transforme d’un simple clic mon document en document braille prêt à embosser.

Adapter une image

Comme pour le braille, il existe des logiciels spécifiques pour la transcription d’images. Je les connais peu mais j’ai testé Tactile View (la démo du moins) et Quick Tac (qui est gratuit et fonctionne avec DBT). Ils produisent des dessins reliefs embossés à la manière du braille. Je les ai testés assez rapidement mais je dirais à première vue qu’ils sont intéressants pour des graphiques simples. Le fait qu’il s’agisse d’un embossage rend le procédé pratique mais empêche les nuances. Je pense néanmoins les tester plus avant quand j’aurai l’occasion car malgré tout il peut être intéressant d’intégrer de tels graphiques dans DBT, chose apparemment possible avec la dernière version.

J’ai aussi découvert il y a très peu de temps Accessimap, un projet très prometteur. Il s’agit d’une application web proposant d’éditer des contenus et plus particulièrement des données géographiques, en noir et relief. Le projet souhaite même aller plus loin puisqu’il travaille aussi à créer une table tactile qui permettrait de transformer des cartes en relief en cartes interactives. L’application est très bien pensée et très simple à comprendre.

Plus généralement pour travailler les images, j’utilise cependant Illustrator et Publisher. Comme pour DBT, j’imagine qu’il existe des alternatives gratuites (Gimp par exemple) mais je n’ai pas testé. Publisher n’a pas d’autre intérêt que le fait que je le maîtrise très très bien, ce qui me fait gagner beaucoup de temps quand je travaille. Il s’agit simplement du logiciel édition de la suite Office. Je l’utilise pour les dessins simples que ce soit pour le dessin contrasté ou pour le dessin relief. On peut comme dans à peu près tous les logiciels y compris les simples traitements de texte créer des formes simples, choisir les couleurs, l’épaisseur des traits etc. C’est donc mon outil pratique et rapide.

Exemple d'un dessin réalisé pour une impression relief avec Illustrator : le faisan commun.

Illustrator permet d’aller beaucoup plus loin. L’outil plume notamment permet de tracer exactement ce que l’on veut tout en ayant un tracé lisse. D’autres outils sont particulièrement utiles comme la vectorisation. Je l’utilise en ce moment pour adapter les illustrations d’un manuel de maths avec un meilleur contraste et moins de détails. Une fois passé en noir et blanc, je peux très souvent récupérer les contours des dessins, les épaissir, agrandir le tout sans voir les pixels apparaître puis remettre des aplats de couleur plus contrastés que dans l’original. Cela ne fonctionne pas toujours mais c’est d’une part dû à la qualité médiocre de l’original et d’autre part certainement aussi à mes connaissances encore faibles du logiciel. C’est en tout cas là encore pratique et rapide et j’entends bien percer tous les secrets de la fonction pour avoir le meilleur rendu possible.

Pour conclure

Me voici arrivée à la fin de mon tour d’horizon sur les outils de transcription que j’utilise. J’espère que vous aurez appris plein de choses et si vous avez des choses à m’apprendre, je prends aussi. Et parce qu’un peu de sensibilisation ne nuira pas à cet article, n’oubliez pas que rendre un document plus accessible n’est pas forcément compliqué. Quand vous créez ou partagez un document (y compris sur le web), vous pouvez par exemple veiller à le partager dans un format texte et non sous forme d’images. Vous pouvez aussi baliser vos titres et décrire au besoin les documents images. Trois gestes simples pour changer la donne !

Couverture en couleur, braille et relief pour le magazine Bienvenue les Nouveaux Tourangeaux

Entreprendre, c'est aussi s'engager...

Article publié le 15/04/2015.

D’Histoires en Patrimoine et l’association Le Livre de l’Aveugle unissent leurs forces pour un patrimoine plus accessible.

Logo de l'association « Le livre de l'aveugle » L'association Le Livre de l’Aveugle a été créée en 1917, en pleine Guerre mondiale, pour venir en aide aux aveugles de guerre. Reconnue d'utilité publique en 1928, elle s’est spécialisée dans la transcription et l'adaptation de manuels scolaires pour des élèves de tous âges. Ces transcriptions sont réalisées par des bénévoles, environ 70 à ce jour. C’est d’ailleurs en tant que transcriptrice bénévole que j’ai eu le plaisir de connaître cette association. L’association tient également à disposition un catalogue de cartes géographiques adaptées en relief et en gros caractères à destination des élèves de lycée. Classées par pays, niveaux scolaires ou thèmes, les cartes sont imprimables à la demande. Elle a aussi mis en place une charte pour l'audiodescription d'œuvres d'art, d'après laquelle elle a réalisé à ce jour 500 audiodescriptions (peintures, sculptures...). Une base de données existe également permettant de les réutiliser à la demande.

Notre partenariat nous permet de vous proposer des prestations de qualité pour les personnes déficientes visuelles :

Le tout sur mesure et pour un tarif avantageux !

Vous souhaitez en savoir plus ? Rendez-vous sur le site de l’association (nouvelle fenêtre) : www.lelivredelaveugle.fr et sur notre page contact.

Si le sujet vous intéresse, vous pouvez également télécharger les résultats du sondage
"Déficiences visuelles et accessibilité du patrimoine historique"

[Lecture] Jacques Le Goff, Jean-Pierre Vernant : Dialogue sur l’histoire. Entretiens avec Emmanuel Laurentin

Article publié le 28/02/2015.

En 2004, Emmanuel Laurentin réunissait au micro de France Culture deux éminents chercheurs pour un Dialogue sur l’histoire passionnant :Jacques Le Goff, médiéviste, et Jean-Pierre Vernant, spécialiste de la Grèce antique. Parmi les sujets abordés, il y a leur parcours, mais aussi le renouveau de la recherche historique après guerre. Il est aussi question du lien entre histoire et présent. Ces deux historiens nous ont quittés, Jean-Pierre Vernant en 2007,Jacques Le Goff, l’an dernier. C’est pour leur rendre hommage que les éditions Bayard, en collaboration avec France Culture, proposent au lecteur de revivre cette rencontre, diffusée dans l’émission À voix nue. Un petit livre que tout historien, qu'il soit pro ou amateur, devrait avoir dans sa bibliothèque. Je vous propose ci-dessous un résumé de l’ouvrage, illustré par de larges citations. Rencontre avec deux grands historiens…

Pour les besoins de l’émission radio, le Dialogue a été divisé en cinq grandes thématiques, qui constituent autant de chapitres pour le livre.

LES MAÎTRES

Le premier chapitre fait le point dans un premier temps sur la situation de la recherche historique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les deux hommes sont unanimes : ils ont eu la chance de trouver des institutions ouvertes, prêtes à les accueillir. À la fin du conflit,l’espoir renaît, accompagné d’un soupçon de révolution, y compris pour la recherche historique.
Dans un deuxième temps, ce chapitre est un hommage à ceux qui ont inspiré, formé les deux historiens : Ignace Meyerson et Louis Gernet pour J.-P. Vernant, Maurice Lombard et Fernand Braudel pour J. Le Goff. En arrière-plan, J. Le Goff aborde une notion fondamentale pour l’histoire :celle de l’espace.

J. L. G. : Ce n’est pas pour nous jeter des fleurs,mais je pense que l’attitude qui combine l’esprit de recherche le plus ouvert possible et un territoire connu qu’il s’agit de cultiver le plus en profondeur possible après l’avoir défriché constitue une bonne attitude de travail. Je suppose qu’il existe dans toutes les sciences, mais en particulier en histoire et en philosophie, ce souci, cette nécessité de combiner l’étendue, l’espace et la profondeur. Il faut s’implanter.
[…] Maurice Lombard était un spécialiste de l’islam médiéval. […] Il m’a appris, entre autres choses, l’importance de l’espace en histoire. Ce qui l’intéressait dans l’islam, c’était l’espace qu’il avait conquis, dans lequel il s’était répandu, la fusion des civilisations qu’il avait réalisée dans cet espace depuis l’Inde jusqu’à l’Espagne et le Maroc. J’ai su de façon définitive que l’histoire se fait dans des lieux.

LA LEVÉE DES BARRIÈRES DISCIPLINAIRES

Le deuxième chapitre est plus complexe mais aborde une question essentielle pour la recherche historique après la Libération : les« sciences sœurs » de l’histoire, pour reprendre le terme de J. Le Goff. « Un des caractères de cette nouvelle histoire était de dialoguer,de faire de l’interdisciplinarité avec les autres sciences. », ajoute-t-il encore.

Quelles sont-elles, ces disciplines qui influencèrent si profondément la recherche historique ? Il y avait principalement la linguistique, l’économie et la sociologie. Il y avait aussi l’anthropologie,qui retient particulièrement l’attention de nos deux historiens. Le sujet commun ? L’homme. J.-P. Vernant écrivait dans L’Homme grec : « Nous recherchons l’homme lui-même, cet homme grec ancien qu’on ne peut séparer de son cadre dont il est à la fois le créateur et le produit. » Les apports de deux hommes sont au cœur de ce chapitre : ceux de Claude Lévi-Strauss et ceux de Georges Dumézil. Entre le structuralisme de Lévi-Strauss et la tripartition fonctionnelle de Dumézil, les concepts sont nombreux qui viennent remettre en question les méthodes historiques. L’article de Fernand Braudel sur la longue durée publié en 1958dans les Annales est d’ailleurs une réponse directe à la distinction de Lévi-Strauss entre les sociétés chaudes et froides, ces dernières pouvant faire penser que l’histoire pouvait s’arrêter.Pour autant, nos deux historiens n’ont pas appliqué ces concepts sans recul,bien au contraire. J.-P. Vernant précise que la tripartition fonctionnelle ne s’applique pas au modèle grec et que c’est d’ailleurs une des qualités du concept.

TRAVAIL ET TECHNIQUE

Dans le chapitre 3, il est moins question de méthode historique que d’un thème cher aux deux historiens : le travail et la technique. J. Le Goff puis J.-P. Vernant nous expliquent ce que ces concepts signifient dans leur domaine de prédilection respectif. Commençons par J. Le Goff et le Moyen Âge, en particulier autour de deux livres : Marchands et banquiers, qu’il rédige en 1956et Les intellectuels au Moyen-Âge(1957).

J. L. G. : J’ai appliqué dans ces deux petits essais des réflexions qui sont demeurées par la suite essentielles pour mon travail d’historien.D’abord, le primat des groupes sociaux. […] En même temps, je partais de la notion fondamentale que je devais essentiellement à Fernand Braudel, la longue durée. J’estimais que la tâche de l’historien consistait, à l’intérieur de cette longue durée, à repérer et expliquer les changements, le mouvement. Ces groupes sociaux, ceux qui m’intéressaient, étaient les acteurs du changement. […]Comment ont-ils été justifiés et intégrés ? Parce qu’ils se donnaient du mal, parce qu’ils travaillaient. J’ai vu apparaître ce mouvement très important, une justification du travail, la diffusion de l’idée de travail dans des milieux où ce n’était pas évident. Que le marchand travaille, ce n’était pas évident, que l’intellectuel travaille non plus.

J.-P. Vernant de son côté nous parle de la Grèce antique. De travail, au sens de production économique, il n’y en avait pas :

J.-P. V. : J’ai voulu montrer comment il n’existe pas et ne pouvait pas exister une conception du travail positive en Grèce ancienne.Il n’existe même pas l’idée du travail en général mais des métiers, et l’unité de la cité repose sur ce qui n’est pas une fonction économique, ce qui n’est pas travail. […] La cause productive de la chaussure est bien l’artisan, mais ce qui compte c’est la cause formelle ou finale, c’est-à-dire le soulier tel qu’il répondra à un besoin que seul l’usager connaît. […] Finalement, comme ils le disent tous, l’artisan quand il reste dans le cadre de son métier se fait l’esclave de l’usager pour lequel il crée le produit. Autrement dit, le travail est une servitude et non une activité productrice.

     Quand J. Le Goff évoque les intellectuels du Moyen-Âge ou que Vernant parle du travail dans la Grèce antique, il faut garder à l’esprit que ces notions sont apportées par les historiens eux-mêmes et non par l’objet de leur étude. Au Moyen-Âge, il n’y avait pas à proprement parlé d’intellectuels,pas plus que de travail dans la Grèce antique. Anachroniques, ces notions n’en sont pas moins intéressantes. J.-P. Vernant souligne à ce propos le lien entre passé et présent : « Nous posons à la question que nous examinons les questions que le présent nous pose. C’est pour cela qu’il existe une histoire des événements historiques. Chaque période pose un regard différent car l’horizon de réflexion s’est modifié. »

TRAGÉDIE, LITURGIE

Le chapitre 4 est un peu particulier puisque les deux historiens abordent un thème central pour J.-P. Vernant : le théâtre.Celui-ci occupe d’après lui une place particulièrement importante dans la société grecque antique. Au Moyen Âge, tout au contraire, le théâtre disparaît,accusé d’être un lieu de plaisir proche de la luxure. J.-P. Vernant dresse un aperçu de l’institution grecque, avant que J. Le Goff ne compare ce résumé à la situation au Moyen Âge.

LE TEMPS DES RETOURS

Le chapitre 5 aborde de nombreux thèmes autour d’une nouvelle problématique : à quoi ressemble l’histoire aujourd’hui ? Les années d’après-guerre ont été marquées par la levée des barrières disciplinaires. Ces dernières années au contraire voient le retour de méthodes historiques rejetées par les Annales :le politique, le récit, la biographie. De nouvelles façons de voir les choses apparaissent aussi, comme la recherche sur les images ou sur les femmes.

J. Le Goff aborde en outre une notion au moins aussi importante que celle d’espace : celle de l’événement.

J. L. G. : Nous savons maintenant que l’événement n’est pas créé par l’histoire mais par l’historien. […] Les techniques de production des événements ont profondément changé depuis un demi-siècle au plus. Avec le journalisme, mais surtout avec la télévision, la production de l’événement est tout à fait nouvelle. Il existe un événement nouveau pour lequel il faut de nouvelles façons de faire l’histoire.

Il est également question d’histoire globale, des sources de l’historien, du présent. « Le monde dans lequel nous vivons a plus changé en un demi-siècle qu’en cinq cents ans » nous dit J.-P. Vernant. Enfin, il est question d’identité :

E. L. : Vous pensez que l’histoire grecque ou médiévale réponde d’une autre façon à cette demande sociale ?
J.-P. Vernant : Je pense en effet qu’il fait du bien de lire ces textes où la morale, la conception de l’homme sont différentes. C’est un autre qui, comme toujours quand on l’a devant le nez, nous renseigne sur nous-mêmes, nous fabrique parce qu’il est différent. Dans sa différence, il nous met en question.

POUR CONCLURE

Nous laissons à Emmanuel Laurentin le mot de la fin, avec un extrait de la préface :

« L’un comme l’autre font confiance à ceux qui vont reprendre les pistes qu’ils ont tracées, à leurs équipes, leurs élèves, pour les surprendre en inventant les chemins par lesquels la recherche trouvera de nouvelles réponses.
Cet optimisme revendiqué et têtu fait du bien. Une dizaine d’années après ces entretiens et alors que ces deux ténors de l’histoire ne sont plus là, le regard rétrospectif sur leur itinéraire interroge : faut-il, pour créer de nouveaux champs, de nouveaux concepts, une recherche ouverte ou concentrée sur ses résultats ? Comment, dans un contexte budgétaire tendu,laisser leur chance aux jeunes chercheurs ? Comment remettre l’histoire au cœur du débat public ? Quels moyens permettraient de renouer le fil brisé entre histoire exigeante et grand public ? »

Histoire de la psychiatrie à Saint-Rémy : Dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale.

Article publié le 12/12/2014.

L’asile de Saint-Rémy est mis en place à l’été 1937 par Justin Perchot, ancien sénateur et industriel, qui participa notamment à la mise en place du métro parisien. Les soins aux malades mentaux en ce début du XXe siècle sont rudimentaires, bien souvent ils sont simplement isolés dans ces asiles qui leur sont réservés. Isolés mais aussi entassés… Les asiles manquent alors de place plus que jamais. D’où l’ouverture d’un nouvel établissement à Saint-Rémy. Il est installé sur trois sites : le château de Saint-Rémy, celui de Clairefontaine et le moulin du Breuil. Saint-Rémy accueille les aliénées du département de la Seine à partir de juillet 1937. Un an après, les sites de Clairefontaine et du Breuil sont ouverts pour accueillir les hommes. Ces débuts ne vont pas être de tout repos...

En septembre 1939, la guerre éclate...

Le conflit amène avec lui les ordres de mobilisation, les réquisitions et bientôt le rationnement sur les produits alimentaires ou sur les carburants (charbon, essence…). L’asile de Saint-Rémy, comme de nombreux autres en France, va devoir faire face. Faute de toujours pouvoir reconstituer le quotidien, on cite souvent des chiffres. Quand on parle de la Seconde Guerre mondiale dans les asiles, c’est le taux de mortalité qui retient l’attention. Sur les sites de Saint-Rémy et Clairefontaine, ce taux atteint 31% en 1941, soit 415 décès sur 1338 patients en moyenne.

On ne meurt pas directement du conflit entre les murs clos de l’asile. Mais on meurt de faim et de froid.

Le rationnement ne permet pas aux aliénés de manger à leur faim. Dès 1940, les médecins dénoncent la situation. À Saint-Rémy, c’est le Dr. Belfils qui devient leur porte-parole auprès des autorités. Deux ans plus tard, la ration réservée aux malades sera officiellement augmentée. En attendant, il faut se débrouiller : la famille Aeby, ancienne propriétaire du château, aide autant que possible en fournissant de la viande ou du lait. Faute d’essence pour circuler en voiture, Alfred Aeby aide aussi à transporter les denrées (ainsi que du bois) avec ses chevaux, à condition que les routes ne soient pas bloquées par la neige. La ferme de Clairefontaine, dans laquelle travaillent les patients qui le peuvent, fournit des pommes de terre et du lait. Le lait est précieux, surtout si on peut l’avoir entier. Comme pour les médicaments, il faut une prescription du médecin pour y avoir droit. Les doses accordées ? Un ¼ de litre par jour pour les malades touchés par la faim. C’est bien peu, mais cela va permettre de sauver beaucoup de patients.

En plein cœur du conflit, les hivers humides et froids vont dégrader encore les conditions d’internement. Il faut préciser que la transformation des bâtiments en asile n’a commencé qu’en 1936. Le chauffage central a pu être installé à Saint-Rémy mais pas à Clairefontaine. D’ailleurs, celui de Saint-Rémy ne peut pas fonctionner normalement faute de charbon. Les dortoirs de Clairefontaine affichent - 3,5° à - 4°, dans les quartiers les plus chauds. Certains dortoirs, couverts de givre du sol au plafond, ont dû être abandonnés. Les conséquences sont bien sûres dramatiques : le 11 janvier 1945, deux enfants, 15 et 17 ans, meurent de froid dans leur dortoir de Clairefontaine.

À la faim, au froid, s’ajoutent la mobilisation du personnel (qui entraîne l’embauche de personnel non formé ou du personnel manquant), les réquisitions (d’outils, de lits, de locaux aussi, pour l’armée allemande ou pour l’armée de libération).

Pourtant, de belles initiatives voient le jour au milieu de cet enfer et plus précisément dans le service des enfants, à Clairefontaine...

En 1944, le Dr. Belfils, qui n’a de cesse durant le conflit d’améliorer le sort de ses patients, décide d’ouvrir une « classe de perfectionnement », bientôt appelée « classe enfantine », pour les enfants de Clairefontaine. On ne connait pas le contenu précis de l’enseignement dispensé, mais l’idée n’était en aucun cas de faire suivre aux jeunes malades une scolarité normale. Il s’agissait plutôt de les faire progresser dans leurs gestes du quotidien et de leur inculquer quelques règles pour une meilleure vie en communauté. Le projet est une réussite et les enfants se réjouissent de retrouver leur institutrice, Melle Guyot.

Bientôt, le Dr. Belfils et Melle Guyot, aidé de M. Delouvrier, directeur de l’asile et de M. l’abbé Charot, aumônier de Saint-Rémy, unissent leur force à nouveau pour leurs petits protégés : jouets, barres chocolatées, biscuits et séance cinéma sont au rendez-vous un certain Noël 1944… un brin de magie bienvenu au cœur de la tourmente !